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ACTUALITE DU JOUR : la Cour de cassation est revenue sur la rémunération du temps de trajet domicile – client du salarié itinérant

Vous le savez sans doute mais seul le temps de travail dit effectif est rémunéré.

Pour rappel, l’article L3121-1 du Code du travail définit le temps de travail effectif comme :

« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. » https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033020517

A sa lecture, il faut donc comprendre que, par principe, le temps de trajet n’est pas un temps de travail effectif donc non soumis à rémunération, au même titre que le temps d’habillage et déshabillage par exemple.

C’est ainsi que l’article L3121-4 du Code du travail précise que :

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire. »https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033020507

Ainsi, si le temps de trajet est bien lié au travail, sa durée dépend de la liberté du salarié de choisir son domicile.

Pour autant, si le temps de trajet domicile – travail est supérieur à un temps de trajet dit normal, il sera alors considéré comme du temps de travail effectif.

A cette condition, il sera donc soumis à contrepartie : sous forme de repos ou de compensation financière.

  • LE CAS PARTICULIER DU SALARIÉ ITINÉRANT

Se pose alors la question suivante : la situation est-elle la même pour le temps de trajet domicile – client effectué par le salarié itinérant ?

Par définition, le salarié itinérant est le salarié qui effectue des déplacements professionnels, sans avoir de lieu de travail habituel ou fixe.

Les exemples sont nombreux : vendeurs à domicile, commerciaux, salariés dans le transport, bâtiments, etc.

Evidemment, le temps de trajet entre les différents lieux de travail sont considérés comme du temps de travail effectif de sorte qu’ils donnent lieu à rémunération.

En revanche, au vu de l’article L3121-4 du Code du travail, il faudrait considérer que le temps de trajet domicile – client n’est pas considéré comme du temps de travail effectif. Il ne serait donc pas payé.

Pourtant, cette application était rendue difficile car le salarié itinérant n’a pas de lieu d’exécution habituel du travail.

Difficile donc d’évaluer un temps de trajet domicile – client normal.

La jurisprudence a été abondante sur le sujet.

Ainsi, les juges estimaient au départ que le temps normal de trajet domicile – client devait s’apprécier par référence à celui d’un travailleur type se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel « dans la région concernée » (Cass. soc. 22-6-2011, n° 10-12920 ; Cass. soc. 7-5-2008, n° 07-42702).https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000018805627

Puis, sous l’impulsion de la Cour de Justice de l’Union Européenne, un revirement a été opéré par la Cour de cassation par un arrêt en date du 23 novembre 2022 en jugeant que les articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail devaient être interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE.

En somme, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients répondaient à la définition du temps de travail effectif, ils ne relevaient pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du Code du travail.

Par un nouvel arrêt en date du 1er mars 2023, la Cour de Cassation est venue confirmer ce revirement de jurisprudence intervenu quelques mois plus tôt.

Dans cette affaire, un salarié itinérant effectuait des opérations de maintenance chez des clients selon un planning prévisionnel.

Pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et devait transporter des pièces détachées commandées par les clients.

Il considérait ainsi que le trajet entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients constituait du temps de travail effectif et sollicitait de fait un rappel d’heures supplémentaires impayées.

La Cour d’appel avait rejeté cet argumentaire pour deux raisons :

  •  il n’était pas soutenu que les temps de trajet quotidien décomptés par le salarié étaient des temps effectués entre deux lieux de travail
  •  il n’était pas contredit par le salarié que le planning prévisionnel des opérations de maintenance préventives ou de vérifications périodiques était organisé entre lui-même et son responsable trois à quatre semaines à l’avance afin de se mettre d’accord sur les dates et confirmer les rendez-vous avec les clients, planning ensuite confirmé par le bon de travail, tandis que pour les opérations de maintenance curatives, le salarié était informé par téléphone pour vérifier sa disponibilité avant confirmation de la mission par le bon de travail. En conséquence, le salarié, même s’il pouvait être amené à transporter des pièces détachées chez le client, ne se trouvait pas à la disposition permanente de l’employeur préalablement à son départ = existence d’une certaine autonomie dans l’organisation de son travail.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du Code du travail précités dans les termes suivants :

« En se déterminant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié était soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et que, pour effectuer ces opérations, il utilisait un véhicule de service et était amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients, la cour d’appel, qui a statué par des motifs insuffisants à établir que, pendant les temps de déplacement, le salarié ne se tenait pas à la disposition de l’employeur, qu’il ne se conformait pas à ses directives et qu’il pouvait vaquer à des occupations personnelles, n’a pas donné de base légale à sa décision. »

Elle rappelle que les juges doivent vérifier si le salarié est à la disposition de son employeur pendant ces temps de trajet pour déterminer si ces derniers ouvrent droit à heures supplémentaires. (CASS, civile, Chambre sociale, 1 mars 2023, 21-12.068).

Ainsi, la Haute Juridiction dégage une solution selon 2 cas de figure concernant ces temps de trajet :

  • Si pendant ces temps de trajet domicile – client, le salarié n’est pas tenu de se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives en pouvant vaquer à ses occupations personnelles : la réponse est non .
  • Si, au contraire, pendant ces temps de trajet domicile – client, le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. La réponse est oui.

Il est donc fondamental pour le salarié itinérant se retrouvant dans une telle situation de conserver les preuves que, pendant ces temps de trajet, il est bien à la disposition de son employeur, au travers de directives données.

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